

Le sujet capital (iste)
Marcel VENTURA
23 février 2019
On va parler aujourd’hui un peu de politique à travers le Capitalisme, mais bien sûr aussi de la Psychanalyse.
Du rapport entre le premier terme –le capitalisme- et la science, on peut lire chez Lacan, dans le Sem XVI,« D’un autre à l’Autre », (Ed Seuil, p 240) « Le capitalisme règne parce qu’il est étroitement conjoint avec la montéede la science. Seulement /../ il se passe/../ du côté de la science, quelque chose qui dépasse ses capacités de maitrise”.
Donc la Science comme un étayage structurel pour le capitalisme. Mais qu’est ce qui la rend capable à ce point?
Depuis bien des siècles de nombreux hommes se vouèrent voués à la recherche d’un savoir sur le monde qu’ils habitaient.
Citons au moins quelques précurseurs de la science tel que nous la connaissons, comme Leonardo da Vinci (1452-1519) quiproposa des avancées lumineuses mais souvent au-delà de la capacité technologique de l’époque de les mener à terme.Et Nicolas Copernic (1473-1543), un moine polonais qui formula la théorie héliocentrique –une révolution qui déplaçaitla terre et donc l’homme du centre su système solaire et par extension de l’univers, ce que Freud signala comme unedes blessures les plus insupportables qu’endura l’humanité. Faut dire que quelques siècles plus tard, de la main dumême Freud, en vint une autre encore plus grave et qui reste bien souvent déniée, et c’est la découverte de l’inconscient,qui décentre le moi pour y placer le sujet, à toujours barré. Copernic mesura la force de sa découverte et se garda biende publier ses travaux jusqu’à l’an de sa mort, n’évitant pas toutefois l’inclusion de son livre dans l’Index librorum prohibitorum.
Citons aussi Johannes Kepler (1571-1630) un allemand qui fit ses découvertes surtout à Prague, et qui désarma l’hypothèsedu déplacement circulaire de tous les corps célestes –une perfection divine- en considérant les mouvements elliptiques-qu’il désignait d’ailleurs comme « une charrette de fumier »-, se pliant même si à contrecœur aux résultats deses observations. Dans la même période, Galileo Galilée (1564-1642) apportait des nouveaux fondements d’observation etprécisait les méthodes de travail, ce qui le mit aux pieds de l’Inquisition romaine catholique. Jugé en 1632, il dut abjurerde ses propos pour garder sa vie –en restant prisonnier dix ans dans sa maison, jusqu’à sa mort.
Presque à la même époque, Descartes (1596- 1650), avec son “Discours de la méthode » et dans cette lignée, approfonditet simplifia les outils de la science naissante, en faisant appel à la Raison comme garante, ce grand A auquel s’adresse le discours.
Tous ces hommes de génie –et bien d’autres-, s’appuyaient sur les développements des mathématiques et non plus surdes syllogismes, en suivant des règles systématiques qui les menèrent à des conclusions incompatibles avec la physiqued’Aristote et d’autres dogmes du pouvoir scholastique.
Il n’est pas facile d’imaginer aujourd’hui le poids de son renoncement au narcissisme d’un moi idéal, ainsi qu’à laperfection d’un idéal du moi, pour accepter un autre idéal, à jamais complet, orienté à la recherche d’une vérité toujours fuyante.
Ce qui ressort de cette démarche est l’énorme potentiel libéré à partir du moment où on n’accepte que la réfutation par des preuves,ainsi que l’exigence de reproduire l’expérience par d’autres et n’importe où, avec les mêmes résultats. Ainsi chaque découverteviendra déborder le champ des possibilités déjà acquises, sur des bases renouvelées mais ayant sa consistance, sans apriori.D’une façon trop simple on pourrait dire que le maître ne sera plus l’idéologie –scholastique ou autre- sinon les résultatsà remettre toujours à l’épreuve.
Inévitable de citer au passage Francis Bacon, Pascal, Spinoza, Locke, et déjà dans le XVIII siècle, Newton, Hume, Kant, Hegel …..
Si on se tourne maintenant vers ce qui constitue le deuxième pilier du capitalisme, soit le plan politique et social, à l’époquedont on parle (ici le XVIIIe) le féodalisme était déjà bien secoué par des éléments aussi divers que les croisées -qui sans lechercher dépouillèrent les châteaux et rapportèrent de nouvelles idées et habitudes-, par la formation des états-nation qui promurentle commerce, par la découverte de nouvelles terres et avec elles de l’or qui circulera dans les veines du vieux continent, ou encorepar l’émergence de religions opposées à la stagnation du catholicisme et qui à sa différence valorisaient le travail et l’austérité autantque l’accumulation de la richesse, etc.
On en arrive au Siècle des lumières qui surtout dans sa deuxième moitié suppose une remise en question radicale sur le plande la politique, substituant p, ex. les monarchies absolues par des systèmes participatifs. (Déclaration d’Independence des États Unisen 1776 et votation de sa Constitution en 1787 –qui avançait la République, la division des pouvoirs, et la souveraineté des citoyens).Et bien sûr la Révolution française en 1789.
Cette poussée innovatrice atteint tous les terrains, soit les sciences, les valeurs, l’éducation, etc.
Commence la mécanisation de l’industrie textile (Manchester) et de l’extraction du charbon, enchainant ce que l’on a désignécomme Première révolution industrielle, qui connait une forte accélération avec la machine à vapeur de Watt (patentée en 1769),cela ne va plus s’arrêter.
On assiste assez rapidement à des changements sociaux inédits, p. ex. avec la venue de nombreux paysans sur les villes, lesquelsavec les artisans et d’autres iront se regrouper dans les centres industriels, constituant ainsi une nouvelle classe, le prolétariat.Ceci en parallèle à la montée de la bourgeoisie, qui propriétaire des moyens de production et forte de son pouvoir, prônele libéralisme dans le commerce et impose ses conditions salariales aux masses excédantes –ce que Marx désignecomme armée de réserve-, ne possédant d’autres biens que sa force de travail et ses enfants –sa prole-, d’où son nom.