

L'annonce du cancer : Entre corps-symptôme et langage traumatique
Pr JL Pujol
24 novembre 2012
Université de Montpellier 3 - Paul Valéry
L'annonce du cancer
Entre corps – symptôme et langage traumatique
Études doctorales
Ecole doctorale N° 60 en Psychopathologie fondamentale et Neuropsychologie
Par Jean-Louis Pujol
Né le 15 juin 1958
Thèse soutenue le jeudi 20 septembre 2012 à 10 heures,
Directeur : Isabelle Boulze, Maître de conférences, HDR, Université de Montpellier 3
Jury
Thémis Apostolidis, professeur, Université d'Aix-Marseille………………………examinateur
Isabelle Boulze, Maître de conférences, HDR, Université de Montpellier 3…………directrice
Claude Guy Bruère Dawson, professeur, Université de Montpellier 3…………….examinateur
Grégory Ninot, professeur, Université de Montpellier 1, UFR STAPS……………examinateur
Jean-Louis Pedineilli, professeur, Université Aix – Marseille ………………………rapporteur
Maria Santiogo Delefosse, professeur, Université de Lausanne………………….…..rapporteur
CV :
Le dispositif d'annonce du cancer est par essence un processus d'objectivation : il consiste en la création, préalable à la rencontre d'un patient, d'un environnement pensé avant le traumatisme de l'annonce du cancer, et adaptatif à la spécificité de chaque situation. Cependant, nous estimons que ce dispositif s'adresse à la conscience et au préconscient du sujet mais que l'essentiel de ce qui advient dans le climat traumatique de l'annonce et l'angoisse qu'il génère se situe dans l'inconscient. L'angoisse, en tant qu'affect responsable putatif d'un auto-brisement de la parole rend impossible, selon nous, l'utilisation de la partie poïétique de l'inconscient ( Tuchê ).
Dans une première partie de notre travail nous avons étudié les désordres de stress post-traumatique (névrose traumatique) et la qualité de vie en lien avec la santé chez les patients et chez l'autrui faisant significativement face à l'annonce d'un cancer du poumon. Les conclusions de cette étude quantitatives sont les suivantes : (i) Les troubles post-traumatiques succédant à l'annonce d'un cancer du poumon sont extrêmement élevés, (ii) le proche significatif est affecté de manière conséquente, (iii) ce sont essentiellement des réactions de stress de type ré-expériences intrusives (effraction psychologique) qui dominent et expliquent les valeurs élevées sur l'échelle d'Horowitz, telles qu'observées dans cette étude.
Dans une deuxième partie, nous avons abordé la question du traumatisme par la clinique, dans la subversion du sujet et la dialectique du désir. Il est en effet important d'étudier qualitativement les interactions du sujet et des systèmes de soins car la plainte et ses fonctions deviennent des modes de communication du sujet dans un monde bouleversé par le cancer. Nous rapportons alors les résultats de l'analyse de verbatim de 37 dyades (patient – autrui significatif). Les regroupements thématiques ont été organisés selon la liste de registres supra-thématiques présentés ci-dessous (1) traumatisme de l'annonce en tant que réminiscence d'un antécédent traumatique antérieur ou concomitant ; (2) relation au temps – temporalité – présentéisme ; (3) rationalisation ; (4) Toute puissance magique de la pensée : pensée propre du sujet, pensée du soignant ; (5) culpabilité inconsciente et conscience de culpabilité ; (6) théorie anthropomorphique : le cancer en tant qu'intrus (intrus, inquiétante étrangeté) ; (7) théorie de l'homme dénaturé (l'homme malade de la société et des modes de vie qu'elle induit) ; (8) manifestations somatiques en tant qu'avènement de réel du corps – symptôme de corps.
Parce que rendre compte de la totalité de la subjectivité est une tâche impossible, nous avons, dans une troisième partie de notre travail, choisi d'analyser un nombre limité de cas cliniques par une analyse métapsychologique. La carence fondamentale à dire le tout du subjectif est pour nous le point commun de ces observations. Elle témoigne de l'écart irréductible entre le fait somatique et la représentation, l'écart de registres entre le patient et le thérapeute, l'écart, enfin, entre le symptôme somatique et le langage.
Conclusion : l'angoisse est, de la vie psychique, l'affecte le plus élevé en termes de pouvoir séparateur. Cette coupure dénoue le réel du corps du symbolique et de l'imaginaire. La dé-liaison ne peut s'éterniser et, après l'annonce, dans sa tentative de reliaison, le patient s'appuie sur un référentiel qui lui est propre. Rétablir une réalité psychique le contraint à prendre référence à sa propre émergence en tant que sujet. Dans le flot d'énoncés que constituent les représentations, celles qui sont élues visent à repasser par les origines propres du sujet. Nous pensons que le climat traumatique et surtout l'angoisse qu'il génère une fracture entre le parlêtre et le corps. Cette désunion laisse apparaître le référentiel culturel dans lequel le sujet est pris. La position thérapeutique consiste à aider le patient à construire de nouvelles grilles de lecture. Un lieu où la tuchê , c'est-à-dire l'inconscient poïétique, sidéré un temps par l'angoisse, retrouverait sa fonction.
Mots clefs : Cancer, dispositif d'annonce, traumatisme, angoisse, environnement, psychologie clinique de la santé, psychanalyse.
Laboratoire d'accueil du doctorant : Laboratoire Epsylon EA 4556 Dynamique des Capacités Humaines
et des Conduites de Santé, 4 boulevard Henri IV, 34000 Montpellier, France
²Titre : L'annonce du cancer : entre symptômes somatiques et trouble du langage
Résumé:
Le plan d'action pour annoncer un cancer est par essence un processus d'objectivation : il consiste à créer, avant la rencontre avec le patient, un environnement bien pensé et adaptable à la spécificité de chaque cas. Néanmoins, nous considérons que ce plan d'action s'adresse au conscient et au préconscient du sujet, mais aussi que l'essentiel de ce qui se passe dans le contexte traumatique de l'annonce et l'angoisse qu'elle génère se situe dans l'inconscient. L'angoisse, en tant qu'affect présumé responsable de l'auto-rupture de la parole, rendrait impossible, à notre avis, l'utilisation de la part poïétique de l'inconscient ( Tuchê ).
Dans la première partie de notre travail, nous avons étudié les troubles du stress post-traumatique (névrose traumatique) et la qualité de vie liée à la santé chez les patients et leurs proches confrontés à l'annonce d'un cancer du poumon. Les conclusions de cette étude quantitative sont les suivantes : (i) le nombre de troubles post-traumatiques consécutifs à l'annonce est extrêmement élevé ; (ii) l'entourage proche est affecté de manière conséquente ; (iii) ce sont principalement les réponses au stress de type « ré-expérience intrusive » (intrusion psychologique) qui prédominent et expliquent les valeurs élevées de l'échelle d'Horowitz observées dans cette étude.
Dans la deuxième partie, nous avons abordé la question du traumatisme dû à la clinique ou à l'hôpital, dans la subversion du sujet et la dialectique du désir. Il est en effet important d'étudier qualitativement les interactions entre le sujet et le système de soins, la plainte et ses fonctions devenant des modes de communication pour le sujet dans un monde bouleversé par le cancer. Nous rendons ensuite compte de l'analyse des verbatim de 37 dyades (patient – proches). Français Les remontages thématiques ont été organisés selon la liste des registres supra-thématiques ainsi définis (1) traumatisme de l'annonce comme réminiscence d'un antécédent traumatique antérieur ou concomitant (2) rapport au temps – temporalité – présentéisme (3) rationalisation (4) tout pouvoir magique de la pensée : pensée propre du patient, pensée du soignant (5) culpabilité inconsciente, conscience de culpabilité (6) théorie anthropomorphique : le cancer comme intrus (intrus, étrangeté inquiétante) (7) théorie de l'homme non naturel (homme malade à cause de la société et des modes de vie qu'elle l'induit à adopter (8) symptômes somatiques comme avènement de la réalité du corps – symptômes corporels.
Parce que rendre compte de la subjectivité dans son ensemble est une tâche impossible, nous avons choisi, dans la troisième partie de notre travail, d'analyser un nombre limité de cas cliniques à travers une analyse métapsychologique. L'incapacité fondamentale à exprimer toute la subjectivité constitue pour nous le point commun de nos observations. Elle révèle l'écart irréductible entre le fait somatique et sa représentation, l'écart de registres entre le patient et le thérapeute, et enfin l'écart entre le symptôme somatique et le langage.
Conclusion : l'angoisse est, dans la vie psychique, l'affect le plus puissant en termes de pouvoir séparatif. Cette rupture dissocie la réalité du corps du symbolique et de l'imaginaire. La déconnexion est de courte durée et, après l'annonce, le patient s'appuie sur un système de référence qui lui est propre. Rétablir une réalité psychique le contraint à se référer à sa propre émergence en tant que sujet. Dans le flux d'énoncés constitué par ses représentations, ceux qui sont choisis visent à retracer les origines du sujet. Nous pensons que l'atmosphère traumatique, et principalement l'angoisse qu'elle génère, crée une fracture entre l'être parlant et le corps. Cette dissension révèle le système de référence culturel dans lequel le sujet est piégé. La réponse thérapeutique consiste à aider le patient à construire de nouvelles grilles de référence. Un lieu où le Tuchê , c'est-à-dire l'inconscient poïétique, un temps brisé par l'angoisse, retrouverait sa fonction.
Mots clés : cancer, annonce de cancer, environnement, traumatisme, angoisse, psychanalyse, psychologie clinique de la santé,
Laboratoire Epsylon. Laboratoire universitaire de dynamique des capacités humaines et des comportements de santé
EA 4556, 34000 Montpellier, France