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Hommage à Mr Bruère-Dawson

Jean-Louis DOUCET

15 décembre 2021

Hommage à Mr Bruère-Dawson   18 juin 2015

 

 

«Lacan (1972-1973) avait coutume de dire: ‘’Dites n’importe quoi, faites n’importe quoi, cela auratoujours des effets... àcondition que vous soyez capable de les entendre». Là est toute la questionde la thérapie. Il n’y a pas de petite ou de grandepsychothérapie mais un homme souffrant quicherche la bonne oreille.»CG Bruere-Dawson, 2005, p. 159.


Le Professeur Claude-Guy Bruère-Dawson nous a quitté. Il a dès sa création été un soutien sansfaille de l’ESRFP où il estintervenu à plusieurs reprises Il est décédé à son domicile des suites d’une affection neurologique incurable qui avait déjàdévasté depuis plusieurs années cette intelligence et cette humanité si profondes et si subtiles qui le caractérisaient.

C.G. Bruere-Dawson était médecin, psychanalyste, professeur des universités.

Né en Guyane, il me dira souvent avoir été marqué, lui, l’agnostique respectueux, (il se définissait ainsi) par l’enseignementreligieux dispensé par les religieuses de l’ordre de Saint Joseph de Clunyet «la résonance énigmatique de cette phrasesouvent entendue: ‘’ Seigneur, je ne suis pas digne de Vous recevoir, mais dîtes seulement une parole et mon âme sera guérie’’.Il ajoutait: «Etaient déjà sous-jacentes plusieurs questions :celle de la dignité et de l’indignité,celle des rapports du désir, du plaisir et de la faute,celle du pouvoir quasi-magique de la parole,celle de l’adresse à l’Autre et de son lieu d’adresse».

C.G. Bruere-Dawson a fait une première rencontre avec la psychanalyse en classe de philosophie grâce à un jeune professeurqui parlait de Freud, de l’hystérie et du saut mystérieux du psychique dans le somatique, mais aussi d’un certain Jacques Lacanet d’un de ses premiers textes: «Les complexes familiaux dans la formation de l’individu. Essai d’analyse d’une fonctionen psychologie» (1938).Ensuite il suit l’enseignement de l’Ecole Normale d’instituteurs, suit des études de psychologie dans le but d’être psychologuescolaire, et parfait ses connaissances en philosophie. Un de ses professeurs de psychologie lui conseille de faire des études demédecine qu’il termine en 1968 par une thèse de doctorat intitulée: «Approche médico-psychologique de quelques maladiesde l’appareil digestif».

C.G. Bruere-Dawson pratique la médecine mais aussi le training autogène (auto-hypnotique) de Schultz, l’hypnose, maisil abandonne très rapidement ces techniques. Il s’implique dans un groupe Balint avec le Professeur Jacques Caïn, puis dansun groupe de psychodrame analytique avec Paul et Génie Lemoine mais ses interrogations sur ‘’les rapports du corps et dela parole’’ le conduisent –comme un passage obligé – vers la psychanalyse et l’écoute de l’Autre scène freudienne, d’abord avecC. Faure puis G. Chabalier et enfin avec Jacques Lacan dont il revendiquait l’honneur d’avoir été l’analysant, le disciple, et quil’avait appelé aux plus hautes responsabilités dans l’organisation de son école.

Enseignant en psychopathologie clinique à l’université Paul Valéry Montpellier III où il rencontre Roland Gori, il soutient en 1990une thèse d’État sous la direction de ce dernier : «Cliniques et/ou structure épistémosomatique».Nommé professeur des Universités il continuera son activité d’analyste jusqu’à l’apparition des signes de la maladiequi l’a emporté.

Très investi toute sa carrière dans la transmission de la cause analytique, il a participé à la création avec Roland Gori etPierre Fédida du SIUEERPP (séminaire interuniversitaire européen d’enseignement et de recherche en psychopathologieet psychanalyse), il a beaucoup oeuvré également dans le cadre du CIRPC.

C. G. Bruere-Dawson a toujours été passionné par les rapports du corps et de la parole ce qui l’a amené (après de nombreusespublications notamment dans la revue cliniques méditerranéennes) à publier en 2005, alors qu’il prenait sa retraite de l’Université,un ouvrage très important dont la richesse n’a pas faibli: «Le corps et la parole – Du réel du sexe au réel de la mort.» (Publicationsde l’Université Paul Valéry Montpellier 3).A l’occasion de cette parution et de la présentation qu’il en avait faite à l’Université Paul Valéry Montpellier III je lui avais rendul’hommage suivant :

«C’est un exercice bien difficile que celui qui consiste à exprimer sa gratitude.Je retiendrai d’abord, que vous êtes un homme du savoir faire et non du faire savoir.Avec cette publication dans le cadre de l’université, vous montrez bien que le faire savoir doit toujours venir dans unsecond temps.Permettez-moi de dire qu’il y a là un temps logique, à savoir qu’après des années de savoir faire vous souhaitez fairesavoir au moment de conclure votre carrière universitaire.A mon sens, cette logique est celle d’une grande liberté de pensée.Ce savoir faire vous avez tout fait pour le transmettre avec une énergie et une générosité peu communes.Je crois que la sacro-sainte communication vous n’en avez que faire, l’important pour vous a toujours été de transmettreun savoir.C’est tout autre chose que de communiquer... C’est une autre dimension (à écrire en un seul ou, comme Lacan endeux mots... ), c’est une autre “dit-mension” de la relation inter-subjective.

Communiquer c’est transporter une information dans l’espace ; transmettre c’est transporter une information dans le temps.Bien sûr, pour transmettre il faut bien communiquer un peu, mais pour communiquer, nul besoin de transmettre ; c’estmalheureusement ce qui se produit par les temps qui courent...Sous ce jour là, vous avez toujours été et vous restez un homme à contretemps, au sens où en musique, le contretemps,c’est ce qui vient donner à une création musicale, sa richesse, son originalité, son style.Communiquer c’est souvent déformer une information, mais transmettre c’est toujourstransformer celui qui la reçoit.Votre style a, je le pense réellement, transformer vos élèves.Le philosophe Régis Debray a écrit que : “Transmettre c’est retourner la vie contre la mort : c’est se saisir du tempspour se guérir du temps”. Si l’on donne au mot guérison son sens de restitutio ad integrum, je crois que l’on ne se guéritjamais tout à fait du temps et heureusement car c’est comme cela que le désir perdure. Comme médecin j’ai comprisgrâce à vous qu’il fallait savoir prendre son temps, qu’il fallait prendre soin du temps.Transmettre ce n’est pas guérir du temps mais prendre soin du temps.

Mais revenons à votre style. Le mot style est dérivé de stylet : ce poinçon qui servait à écrire sur les tablettes dans l’antiquité.Le style c’est le médium de la transmission. Il ne se transmet pas mais permet de transmettre. Vous n’avez pas fait que gravervotre empreinte sur  vos élèves, vous avez fait mieux que cela, vous leurs avez permis de saisir leur propre stylet, leur proprestyle, leur propre plume.

Le poète argentin Raùl Gonzàlez Tunon a écrit : "Le monde est plein d'une pésie non encore écrite".

La psychanalyse, dont vous êtes un serviteur rigoureux et éclairé, nous a montré ce que la création poétiquedoit au savoir inconscient".Vos travaux cliniques, votre recherche théorique montrent ce que le signifiant métaphorique doit aux imagescorporelles qui captivent le sujet.Aujourd'hui vous nous offrez les pages de ce livre, à nous vos élèves, de tenter à votre suite d'écrire quelquesmots.Le premier sera merci..."

Un immense merci à Claude-Guy Bruère-Dawson, homme libre, Maître respecté parce que respectable quisavait que : est un Maître, celui qui permet à ses élèves de se passer de Maître.

Nos condoléances les plus sincères à Fabienne son épouse, à ses enfants et ses proches.

Jean-Louis Doucet-Carriere

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